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Tales of Two Koreas

2021 AUTUMN

Une jeune Anglaise en Corée du Nord

Dans un livre composé de textes courts au ton très personnel et illustré de clichés pris sur le vif, une jeune Britannique évoque les moments forts de sa vie en Corée du Nord, tout en remettant en question les idées reçues dont fait l’objet la population de ce pays.

 

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À son retour de Corée du Nord, Lindsey Miller ne pensait pas écrire un livre sur ce pays, mais, en regardant ses photos, elle a ressenti le besoin de parler de son vécu, ce qui allait donner un ensemble de seize essais illustrés de deux cents photos, North Korea: Like Nowhere Else, paru en mai dernier chez un éditeur londonien.
© Lindsey Miller

C’est en 2017 que Lindsey Miller se rend en Corée du Nord pour suivre son mari diplomate qui y prend son poste pour deux ans. Elle s’attend alors à avoir affaire à des personnes déshumanisées qui risquent de se montrer hostiles à son égard, mais, étant d’un naturel intrépide, ces craintes ne l’empêcheront pas de s’aventurer, appareil photo en main, au-delà du quartier où vivent les expatriés, dans l’est de Pyongyang.

Dans la mesure où son conjoint est membre du corps diplomatique, la jeune femme n’aura pas à subir, de la part des autorités, les habituels contrôles qui étaient susceptibles de restreindre sa liberté d’aller et venir pour réaliser des photographies. Elle s’intéressera dans un premier temps aux constructions et à leurs façades, dont elle trouve l’architecture originale, mais ne tardera pas à leur préférer les gens et leur vie.

À son retour au Royaume-Uni, Lindsey Miller va renouer avec ses activités de compositrice de musique et de chef d’orchestre. Elle n’a alors pas la moindre intention d’écrire un livre sur la Corée du Nord, car, après deux années passées dans ce pays, elle a l’impression d’en savoir moins sur lui qu’avant d’y être partie. Pourtant, à force de regarder les photos qu’elle y a prises et qui font affluer bien des souvenirs, elle éprouvera le besoin de témoigner de ses découvertes. De ce désir, naîtra un livre, North Korea: Like Nowhere Else, qui rassemble deux cents photos constituant autant de tranches de vie et seize textes courts évoquant les rencontres qu’elle a faites et les émotions qu’elle a ressenties.

« Ce que j’ai connu en Corée du Nord est si varié et complexe que les mots ne suffisent pas à le décrire », explique-t-elle. « Dans mon livre, j’ai plutôt cherché à faire découvrir mon vécu d’étrangère de manière sensorielle pour permettre de s’y plonger complètement. J’y parle bien sûr de mon expérience et de mes émotions, mais aussi et surtout du quotidien des Nord-Coréens ».

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De jeunes soldats regardent l’objectif sur cette photo, l’une des préférées de Lindsey Miller, après quoi ils allaient envoyer un baiser à celle-ci d’un signe de la main, contrairement à l’image de froideur que l’on se fait des Nord-Coréens en Occident.
ⓒ Lindsey Miller

Je parle certes de mon vécu, mais d’abord et avant tout du quotidien des Nord-Coréens.

Les échanges humains
Lindsey Miller revient sur l’une de ses photos préférées, celle de soldats nord-coréens circulant en camion, car elle résume à elle seule l’esprit de son ouvrage. Celui-ci vise en effet à dépasser l’image du régime militaire que l’on a de ce pays pour montrer que les gens y connaissent, comme ailleurs, la joie de vivre, l’espoir et l’affection de leur famille.

« Si le lecteur pouvait côtoyer ces gens que j’ai photographiés après avoir lu ce que j’explique dans la légende correspondante, aurait-il une vision différente d’eux et que découvrirait-il de lui-même ? » s’interroge-t-elle. Quand elle les a rencontrés ce jour-là, ces jeunes militaires d’une vingtaine d’années l’ont saluée et l’un d’eux lui a même envoyé une bise d’un signe de la main, ce à quoi elle a répondu en faisant de même, et tout le monde a bien ri.

Dans l’ensemble, la jeune femme a trouvé les Nord-Coréens « très aimables et curieux », quoique les contacts que l’on peut avoir avec eux se limitent le plus souvent à des rencontres fortuites. En tant que ressortissante étrangère, Lindsey Miller ne pouvait se rendre au domicile de Nord-Coréens qu’en compagnie d’un agent et ne devait effectuer que des appels locaux à l’aide de son téléphone portable qui n’avait pas accès au réseau de télécommunications public.

« Les conversations que l’on pouvait engager étaient d’un niveau médiocre, parce que limitées dans ce qu’il était possible de dire », se souvient la jeune femme. « Il convenait d’éviter certains sujets considérés à risque tant pour l’interlocuteur que pour soi. J’avais l’impression que nous étions deux personnes en cage, sous surveillance, et que nous cherchions tant bien que mal à satisfaire notre curiosité réciproque en dialoguant prudemment pour tenter de faire connaissance. De toute manière, il n’est pas facile de tisser des liens avec les Nord-Coréens, car, dans les échanges que l’on peut avoir avec eux, on ne sait jamais dans quelle mesure ils s’expriment sincèrement, s’ils s’intéressent vraiment à ce que l’on dit ou s’ils ont des arrière-pensées ».

En dépit de ces obstacles, Lindsey Miller s’est liée d’amitié avec des gens et a fait des rencontres, aussi éphémères fussent-elles. « Des étudiants m’ont invitée à prendre un verre », commence-t-elle. « L’alcool aidant, ils se sont hasardés à me demander d’où je venais. Tout ça aurait pu se passer dans n’importe quel pays. Il y avait de la musique, tout le monde buvait et s’amusait bien. Mais, au bout de cinq minutes, ils m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas poursuivre cette conversation pour des raisons de sécurité, tout en étant ravis d’avoir fait ma connaissance ». Et d’ajouter : « J’aurais bien aimé prolonger des moments aussi précieux. Je ne parvenais pas à comprendre que de tels murs se dressent entre les gens, alors que les écoliers portaient des sacs à dos décorés de personnages de Walt Disney qui sont des symboles culturels du « plus grand ennemi » de la Corée du Nord, à savoir les États-Unis » s’étonne la jeune femme.

De multiples questions
En 2018, la rencontre au sommet qui a eu lieu à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un allait susciter bien des interrogations. Lindsey Miller en avait aussitôt été avertie grâce aux services d’information internationaux, alors que les Nord-Coréens n’allaient apprendre l’événement que le lendemain dans la presse. Quelques connaissances étaient même venues la voir pour tenter d’en savoir plus.

« L’événement tant espéré s’était enfin produit ! La phrase « Nous sommes les mêmes » si souvent répétée à cette occasion, comme l’image des deux hommes se serrant la main donnait l’impression, à tort ou à raison, que quelque chose était en train de changer. Mes amis nord-coréens m’ont alors dit à plusieurs reprises à quel point cela les soulageait », relate Lindsey Miller.

Les gens semblaient très curieux de la culture britannique, mais, pour eux, la notion d’égalité des sexes et le mariage homosexuel dépassaient l’entendement. S’ils abordaient parfois la question de la Corée du Sud, ils ne cherchaient pas à obtenir des détails sur son mode de vie et s’intéressaient avant tout à la politique, tout en interrogeant leur interlocutrice sur la manière dont elle voyait l’avenir des deux Corées.

Au sein de la population, Lindsey Miller a observé plus particulièrement la manière d’être des jeunes femmes de la capitale : celles qui, comme elle, avaient une trentaine d’années. Elles lui ont semblé plus intéressées par le travail et la réussite professionnelle que par le mariage et de futures maternités. Beaucoup lui ont demandé comment vivaient les femmes sans enfant qui se consacraient à leur carrière.

Aux yeux de Lindsey Miller, le concert pop intercoréen qui s’est déroulé en 2018 à Pyongyang a représenté un événement d’autant plus important qu’elle exerce elle-même une profession musicale. « J’ai eu l’énorme privilège de pouvoir y assister et d’observer les réactions du public. Beaucoup d’artistes étaient bouleversés, en particulier ceux qui ont de la famille en Corée du Sud. Jamais je n’oublierai ce concert ».

Toujours dans le domaine musical, plusieurs personnes se sont réjouies que, dans les émissions de télévision où passent des groupes pop sud-coréens, un sous-titrage de leurs chansons soit assuré, car les paroles en sont difficilement audibles en raison des fortes percussions qui caractérisent ce genre très différent de la musique nord-coréenne.

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Surplombant une station de métro de Pyongyang, ce portrait géant du défunt dirigeant Kim Jong-il est l’un des nombreux que compte la capitale nord-coréenne.
ⓒ Lindsey Miller

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Personnes du troisième âge se tenant devant un immeuble d’habitation de construction ancienne. Lindsey Miller a toujours été curieuse de la vie des gens âgés de ce pays et de leur manière de voir l’avenir de celui-ci.
ⓒ Lindsey Miller

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Pour créer plus de proximité avec le lecteur, Lindsey Miller a choisi de faire figurer en première de couverture de son livre cette photo de femmes soldats interrompant leur marche pour saluer de la main.
ⓒ Lindsey Miller

Le voyage continue
Après être rentrée au pays, Lindsey Miller allait effectuer son tout premier voyage en Corée du Sud, à propos duquel elle confie : « Cette visite m’a d’autant plus marquée que j’avais aussi été en Corée du Nord, en particulier celle de la zone démilitarisée, où je m’étais aussi rendue à l’époque ».

« Ce que m’a appris mon séjour en Corée du Nord, c’est avant tout l’importance de la compassion et des relations humaines. Je suis heureuse d’avoir pu me faire des amis dans un pays aussi isolé », se réjouit-elle. « Dans les premiers temps, cela me paraissait impossible, mais je me trompais. C’était certes difficile, mais faisable ».

Aujourd’hui, ces liens d’amitié n’ont plus rien de concret, car tout contact est à proscrire, que ce soit par e-mail ou au téléphone, et, quant aux lettres ou colis qu’elle pourrait expédier si elle disposait d’adresses postales, ils seraient sans nul doute interceptés.

« Quand j’ai quitté le pays, c’était comme si je rompais définitivement toute relation avec lui », déplore Lindsey Miller. « Je n’ai pas cherché à retourner en arrière en écrivant ce livre. J’ai voulu me livrer en toute sincérité sur mes amitiés et mon vécu, notamment ce que j’avais vu du quotidien des gens. Je n’ai pas cherché à embellir la réalité du pays dans l’espoir de pouvoir y revenir. En atténuant les faits dans son intérêt, on ne peut parvenir à la vérité sur la situation de ce pays. Les Nord-Coréens méritent mieux que cela ».

Si l’ouvrage de Lindsey Miller n’est pas encore disponible en Corée du Sud, sa traduction est en cours en vue d’une première parution en 2022. « En adoptant un point de vue plus humain, il est possible d’envisager autrement ce pays et ses 25 millions d’habitants qui accordent beaucoup d’importance aux liens qui les unissent. C’est de nous-mêmes que doit venir le changement », conclut-elle.

Kim Hak-soon Journaliste et professeur invité à l’École des médias et de la communication de l’Université Koryeo

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