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2023 SUMMER

Books & More

Beasts of a Little Land (Les bêtes d’un petit pays)

Juhea Kim, 2022, Oneworld Publications, Londres, 403 pages, 8,99 £

Les liens inextricables du destin

Premier roman de Juhea Kim, Beasts of a Little Land évoque l’itinéraire de différents personnages aux heures les plus sombres de l’histoire contemporaine, qui commencent par la colonisation japonaise et s’achèvent avec la guerre de Corée puis la période de l’après-guerre. Vendue par ses parents démunis à Madame Silver, qui règne sur une maison close de Pyongyang, la jeune Jade part dans un premier temps pour Séoul où la courtisane Dani se charge de l’initier à son art. De son côté, l’orphelin Nam JungHo quitte aussi sa campagne natale pour la capitale, avec pour seules ressources deux mystérieux héritages, et tombe dans la petite délinquance. Le hasard voudra que les chemins des deux jeunes gens se croisent brièvement et, s’ils se sépareront par la suite, ils resteront à jamais unis par les liens toujours plus forts de leurs destins communs. Pareils aux fils d’une tapisserie, ces liens vibrant d’émotion que désigne le terme coréen d’« inyeon » s’appliquent aux relations qui unissent les personnes comme les choses. C’est ce réseau complexe d’inyeon dont participent les personnages que l’autrice de Beasts of a Little Land dépeint admirablement sans jamais donner dans le fatalisme, le portrait affectueux qu’elle brosse produisant au contraire une réconfortante impression de chaleur humaine et la certitude que tout finira par s’arranger.

Beasts of a Little Land se lit aussi comme un hommage à l’art du récit où le mythe est omniprésent du début à la fin, tantôt par le biais de la légende de Dangun, qui représenterait l’ancêtre de tous les Coréens, tantôt par celui de la figure mythique du père de JungHo. C’est de ce mythe de Dangun dont se souviendra Luna, la fille de Madame Silver et la compagne d’infortune de Jade, lorsqu’elle se trouvera confrontée à une grossesse non désirée, non qu’elle y voie le lointain écho de sa situation, mais parce qu’elle y constate que tous les personnages féminins y aspirent à des maternités, remettant ainsi en question ce mythe communément admis qui perpétue les conventions sociales. De même, JungHo avait toujours douté de la véracité de l’histoire de son père et du tigre jusqu’à ce qu’elle s’avère en grande partie exacte.

Dans un contexte historique d’une telle intensité et avec des personnages aussi divers, l’auteur aurait pu être tenté de céder à la sensiblerie, ce qui n’est jamais le cas grâce à l’impression d’authenticité qui imprègne le récit. Les personnages sont décrits avec tant de justesse qu’ils semblent sur le point d’en surgir en chair et en os et il n’est pas un seul d’entre eux, aussi déplaisant soit-il, qui ne finisse par révéler un aspect plus humain de sa personnalité, tant l’inyeon constitue un lien puissant entre tous.

Le récit s’ouvre sur l’arrivée de Jade chez Madame Silver et sur les débuts de son apprentissage. Si elle n’est pas la plus douée de ce lieu pour le chant et son talent ne peut égaler celui de son amie Lotus, la jeune fille se prend d’une véritable passion pour la poésie et peine à comprendre que ses camarades demeurent insensibles à la beauté des vers qu’elles lisent et récitent. Ce faisant, elle accède à tout un univers fabuleux qui l’émeut au plus profond d’elle-même, comme l’indique cette phrase « […] elle flottait, consciente que certains mots, dans un certain ordre, pouvaient la bouleverser intérieurement » et comment ne pas y reconnaître les pensées de Juhea Kim exposées par ce biais ? L’essence même du roman réside dans ces idées qu’expriment quelques mots égrenés dans un certain ordre, mais que l’auteur agence si remarquablement qu’il en résulte une œuvre d’une beauté et d’une musicalité qui ne pourront qu’émouvoir le lecteur.

Nearly All Happiness : A collection of new poems by Lee Soyoun

Lee Soyoun, traduit par Sunnie Chae, 2022, ASIA Publishers, Paju, 89 pages, 9 500 ₩

Vivre le monde en poète

À gré des vingt textes de ce recueil, Lee Soyoun invite le lecteur à partager son regard poétique sur le monde afin d’y découvrir les liens profonds qui l’unissent à la Terre comme à tout être vivant et le potentiel de vie que renferme toute chose. Pour ainsi dire, elle est de ceux qui, sans semer les fleurs du jardin, sont fermement convaincus de la force de leurs graines, ces graines symbolisant l’amour qu’elle exprime pour cette Terre et ses habitants tout au long de ses poèmes. Face aux discriminations dont sont encore victimes les femmes, elle opte pour une originale démarche consistant à se garder de laisser éclater sa colère pour tout envisager avec amour et espoir.

Comme elle l’explique dans la postface de son ouvrage, « tout écrivain s’efforce d’une manière qui lui est propre de protéger le monde qui est le sien », en l’espèce, chez l’autrice, un univers où le moindre détail constitue à lui seul un poème. Pour reprendre une fois encore ses paroles, « la poésie n’est pas une fin en soi, mais un moteur », à savoir qu’elle ne découle pas de l’expérience du monde que possède le poète, mais constitue le prisme à travers lequel il le perçoit. En le faisant découvrir à un plus large public, la présente livraison enrichira son esprit par l’univers plus vaste auquel l’ouvre l’auteur.

STUDIO KIWA

www.youtube.com/@STIDOPLOWAPFFOCIAL

De belles mélodies alliées à la grâce du hanok

Judicieusement nommé par Universal Music Korea, le Studio Kiwa accueille des artistes aussi bien coréens qu’originaires du monde entier, et ce, au sein d’un hanok, cette maison traditionnelle coréenne qui fournit à leurs spectacles un décor unique en son genre, tel celui qu’offre la maison familiale des Min dans le village historique de Namsangol Hanok situé à Séoul. Le vocable « kiwa » renvoie aux tuiles d’un rouge sombre qui coiffent les toits de ces habitations. C’est dans ce cadre que le Studio Kiwa a réuni une pléiade d’artistes au répertoire éclectique englobant la musique classique et contemporaine. À la différence des immenses salles de concert où se produisent d’ordinaire des pianistes renommés, ou des scènes noyées dans le brouillard sur lesquelles jouent les groupes indépendants devant des publics enthousiastes, le hanok s’avère tout aussi adapté à ces deux types de spectacles par sa beauté et sa simplicité. Son atmosphère particulière tient-elle à l’impression chaleureuse qui se dégage de ses vieux planchers et de sa charpente ou à la vue apaisante de la pluie qui s’écoule doucement de son toit incurvé ? Toujours est-il que les spectacles proposés par le Studio Kiwa offrent au public l’occasion de redécouvrir ses musiques favorites dans un cadre original à l’ambiance captivante.



Charles La Shure Professeur au Département de langue et littérature coréennes de l’Université nationale de Séoul

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